27 Juin 1936
Une fois encore une œuvre de Guy de Maupassant va être portée à l’écran. Après Le Rosier de Madame Husson, Yvette, Boule de Suif, voici maintenant que Jean Renoir tourne depuis cette semaine l’une des meilleures nouvelles du grand écrivain: Une Partie de Campagne.
C’est tout le charme, toute la fantaisie de l’époque 1880, qui vont servir d’ambiance à cette promenade dont M. et Mme Dufour s’entretiennent depuis si longtemps. N’est ce pas presque une expédition que ce déjeuner sur l’herbe? Songez un peu que l’on ira au delà d’Argenteuil, le long ce ces bords de Seine où quelques guinguettes se perdent dans la verdure, loin de l’atmosphère viciée de la capitale déjà distante de vingt kilomètres! Et puis M. Dufour veut pêcher à la ligne et Madame aller en yole. Quant à Mlle Henriette Dufour elle souhaiterait volontiers trouver un peu d’amour. Tous ces beaux rêves se réaliseront comme il se doit dans Une Partie de Campagne bien organisée.
Le film sera presque entièrement tourné en extérieurs et la distribution réunit les noms de Sylvia Bataille, Jeanne Marken, Gabriello, D’Arnoux, Genin et Paul Temps, un jeune comédien qui ressemble étonnamment à Michel Simon.
Le personnel technique comprend: Jacques Becker et Henri Cartier comme assistants, et Brunius comme administrateur de production. Opérateurs: Claude Renoir et Bourgoin. Monteuse: Mme Marguerite. Photographie: Eli Lotar.
Jean Renoir tourne aux bords du Loing Partie de Campagne
18 Juillet 1936
On n’imagine pas combien il est difficile de trouver un paysage campagnard qui soit délivré de toute publicité, et à l’abri de tout signe moderne.
Jean Renoir situé, après sa prospection, l’action de Une partie de Campagne, de Guy de Maupassant, sur les bords du Loing au pont de Sorques. Là, une maison centenaire nullement modernisée et enlaidie servira de décor d’auberge flanquée de cerisiers bien lourds de fruits. Les rives poissonneuses verront le quincaillier Dufour venu avec sa famille pour une partie de campagne dont on se sera fait une joie indicible.
C’est le départ vers la campagne, les heures passées dans la nature, le trouble jeté par deux canotiers dans le cœur de Mlle Dufour pourtant accompagnée d’un prétendant gringalet, les multiples incidents d’un séjour de soleil, d’ombre et de pluie, qui forment les péripéties du
charmant film de Renoir. M. Dufour c’est le bon Gabriello, costaud et rieur. Mme Dufour, la blonde Jeanne Marken, grand-mère (Gabrielle Fontan) a le visage spirituel un peu défiguré par un maquillage réaliste et Henriette Dufour, délicieuse sous la tournure et la robe fleurie 1880, c’est la brune Sylvia Bataille aux yeux bleus. Les deux jeunes gens, séduisants canotiers en casquettes rondes sont Brunius et d’Arnoux. Enfin, le petit employé, fiancé éventuel, est campé par un jeune acteur comique: Paul Temps dont le burlesque sera la révélation du film.
Claude Renoir et Bourgoin tournent à l’abri de parasols et d’écrans qui ne canalisent qu’un maigre soleil de juillet pluvieux. Jean Renoir n’abandonne pas son bon sourire optimiste. Gabriello pêche à la ligne. Sylvia Bataille se laisse conter fleurette par Brunius, et Paul Temps sa tignasse blonde en désordre, erre sur la pelouse en hoquetant… ainsi que le veut le rôle tandis que Marken sourit aux papillons diaprés.
Un camion sonore capte directement les dialogues, et le travail se fait, jour après jour, aux bords du Loing aux eaux rapides à un rythme qu’interrompent seulement un camion rugissant où une ondée ravageuse. L’odeur du foin coupé parfume le labeur.
Et un joli film frais et jeune sera né en ce juillet pourtant néfaste aux films de plein air, Pierre Braunberger a eu la main heureuse.
Lucie Derain.
25 Juillet 1936. Partie de Campagne. Mal favorisés par un mauvais temps régulier, Jean Renoir et ses collaborateurs terminent cette nouvelle filmée d’après Maupassant.